Tahar Rayane, spécialiste en transplantation rénale « Il faut lever les contraintes qui empêchent la greffe d’organes »

10.000 patients sont en attente de greffe rénale, dont 1/3 ont des donneurs.

300 greffes de foie effectuées en 2018, seules 20 et 50 ont été effectuées respectivement en 2019 et en 2021.

225 centres privés d’hémodialyse existent à travers le territoire national.

Le Professeur Tahar Rayane appelle à la levée des contraintes empêchant la relance des greffes d’organes.

Après une avancée notable de 2012 à 2018, la transplantation d’organe a connu un recul sensible dès 2019.

En 2012, avec l’appui d’une politique incitative, pas moins de 300 opérations/an ont été effectuées jusqu’en 2018- La cause ?

Plusieurs facteurs ont été cités par le Pr Tahar Rayane, ex-chef de service néphrologie dialyse et transplantation rénale, sans compter la survenue de la pandémie du Covid-19 qui  l’a plombée davantage.

Ces facteurs ont une « influence négative sur cette pratique. Ce qui explique le nombre très réduit de greffes, tenant compte de la demande », a estimé le professeur Tahar Rayane sur les ondes de la Radio nationale.

Invité de la Radio Ch3, le Pr indique que la pandémie du Covid-19 « n’a pas permis de pratiquer l’opération de greffe, au risque de faire des victimes chez les patients à faible immunité», faisant part du décès de 100 greffés de la Covid-19; et des patients dialysés, en attente de greffe, contaminés et qui y sont décédés.

« L’instabilité des équipes chirurgicales et médicales » ; « le transfert des spécialistes d’un service à un autre suite à des concours de chefferie », « Le départ à l’étranger en quête de nouveaux horizons de plusieurs chirurgiens », sont entre autres problèmes qui empêchent le déroulement normal des interventions de greffe dans les services des hôpitaux.

A titre d’exemple, Batna, où ont lieu plus de 100 greffes par an, a connu une forte baisse en greffe après le départ du chirurgien néphrologue vers l’étranger.

Le Pr en appelle à la « levée, au plus vite, des contraintes empêchant le fonctionnement normal des unités de greffes, en intégrant de nouveaux paramètres qui favoriseraient la pratique de greffe en continu », soulignant que «Les mêmes problèmes entravent la greffe du foie qui s’est carrément arrêtée ».

Le pr a déploré que le projet de création de services spécialisés en greffe ait été « dévié » de sa vocation essentielle et que même l’équipe urologique de l’institut du rein de Blida ne fait plus de greffe rénale. « On lui a interdit de le faire et on laisse d’autres le faire à leur place », se désole-t-il.

Quant au conseil scientifique, dont le devenir est remis en cause après qu’il ne se soit plus réuni depuis deux ans, alors que statutairement il doit se réunir trois fois par an,
Le pr Rayane a avoué l’existence de «dysfonctionnement qui n’ont pas permis au conseil de l’agence nationale de greffe du rein de se réunir », soulignant son rôle.

«Il a un pouvoir consultatif prépondérant ; de par sa composante de 25 experts dans les différentes spécialités, il peut conseiller le directeur général et apporter des solutions à des problèmes qui se posent au quotidien dans les structures des hôpitaux et de l’agence notamment».

La venue surprise de la pandémie du Covid « en est un exemple plein d’enseignement à ce titre », note l’ex-président du conseil scientifique de l’agence nationale de greffe du rein. D’ailleurs, les professionnels ne cessent de « demander à ce qu’il soit réactivé dans les plus brefs délais».
Pour une relance effective de la pratique de la greffe d’organes, selon le Pr, Il faut « lever les contraintes, qui sont beaucoup plus administratives et bureaucratiques que scientifiques et médicales, et capitaliser l’expérience assez riche acquise depuis 1986 (plus de 2200 greffes), et l’« exploiter en formant une relève ».

Le Pr affirme que le déficit en spécialistes se fait de plus en plus sentir d’année en année du fait de leur départ vers l’étranger.

Rayane Tahar qualifie la loi sanitaire de 2018 de «révolutionnaire», avec l’introduction du «consentement présumé » qui, dit-t-il, a élargi le cercle des donneurs d’organes. Qualifiant ce point d’ «acquis très important », il précise que les professionnels sont dans l’attente du texte d’application.

Pour favoriser la faisabilité de la pratique d’organe, le professeur  souligne que l’agence doit « continuer à expliquer, vulgariser que le don d’organe est licite sur le plan religieux et qu’il permet de sauver des vies,…etc.»

Quant à l’implication du privé dans la greffe d’organes, le professeur se déclare résolument contre.
« Tant que je serai en vie et je reste sur mes convictions, j’espère que les autorités ne toléreront pas cela », déclare-t-il, ajoutant qu’il s’agit de « souveraineté nationale et que l’Etat doit assurer son contrôle et son évaluation dans le secteur public».

« Tous les grands pays ne font pas de greffe dans le privé pour éviter les dérives chirurgicales, de classes sociales et de trafic d’organes », argue-t-il, plaidant pour la tenue d’un fichier national des greffés, des donneurs et des receveurs, qu’il juge « impératifs », en vue d’assurer le suivi de cette activité».

Evoquant le manque de sang dans les hôpitaux, le Pr estime qu’au même titre que la greffe d’organe, le « don de sang, se fait dans le secteur public, la greffe d’organes ne doit pas se faire dans le privé. Il ne doit pas y avoir de commercialisation d’organe ».
«Les organes, comme le sang, sont un bien appartenant aux personnes. C’est à eux de décider librement de faire ou non un don, comme c’est indiqué : Don de sang ou don d’organe», conclut–il.

A.Ben Ali.

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