Le mauvais jeu des BRICS : Des compromis et des choix controversés…

Manque de transparence et indices d’opacité.
Le club des BRICS ne serait pas au dessus de tout soupçon.
Ce même groupe qui se dit promouvoir un monde multipolaire bâti sur la justice et la démocratie vient de se livrer à l’implacable logique de la contradiction. Et du doute…
La première question qui mérite d’être posée consiste à essayer de comprendre pourquoi a-t-on préféré des pays comme l’Éthiopie et l’Égypte plutôt que l’Algérie ?
Ces deux pays du continent africain font- ils mieux que l’Algérie en matière économique ? Sont ils plus performants, politiquement plus indépendants?
Assurément non.
D’ailleurs les motifs ayant conduit au rejet de la candidature de l’Algérie n’ont pas été officiellement communiqués .
Essayons l’analyse par des comparatifs objectifs sur les deux aspects qui entrent en ligne de mire : poids politique et indicateurs économiques.
l’Éthiopie , contrairement à ce que l’on tente de nous faire croire souffre encore d’un système économique fragile , bâti autour de l’agriculture et l’exportation de café et de roses.
Elle affiche un maigre PIB de 111 milliards de dollars ! Ce qui la classe dans la catégorie « faible » et un revenu intérieur par habitant de 1028 dollars. En outre c’est un pays soumis à une menace constante des déchirements ethniques. Il souffre d’une inflation qui flirte avec les 28 à 30% alors qu’elle est de 9% en Algérie.
l’Algérie fait deux fois mieux en PIB (entre 200 et 210 milliards de dollars) et quatre fois mieux en revenu intérieur par habitant (4273,9 dollars . Source banque mondiale).
Il faut également savoir que l’Éthiopie est aux prises avec une dette extérieure de plus de 27 milliards de dollars dont elle peine à renégocier les conditionnalités avec le FMI. En revanche pas besoin de souligner que l’Algérie affiche zéro dette extérieure.
Il y a également lieu de revenir sur l’indice de développement humain ( IDH ) qui classe l’Algérie 3 ème en Afrique alors que l’Éthiopie se retrouve dans les derniers rangs à l’échelle mondiale.
Ces indices établis aussi bien par la banque mondiale et le PNUD démontrent l’écart important entre les deux pays. Au double plan : économique et social.
Ajoutons à cela le fait que l’Éthiopie ne peut en aucun cas se prévaloir d’une quelconque influence régionale ou internationale. Elle demeure conditionnée par un endettement extérieur , donc à la merci des institutions de Betton Woods que les BRICS cherchent justement à contourner.
Un paradoxe difficile à comprendre.
S’agissant de l’Égypte , il faut rappeler que le pays traine une dette extérieure de 165 milliards de dollars et une inflation à 36% . Il compte parmi les pays les plus dépendants au monde notamment en matière d’importation de blé.
Néanmoins l’Égypte brandit un PIB de 404 milliards de dollars , le double de l’Algérie et un revenu par habitant de 4295 dollars, pratiquement de même niveau que celui de l’Algérie.
En matière d’indice de développement humain, l’Égypte est loin derrière l’Algérie.
Politiquement , il faut admettre que l’Égypte dispose d’une précieuse influence géopolitique dans la région. Même si elle reste économiquement vulnérable en raison des lourds boulets de la dette, elle demeure un maillon d’équilibre politique non négligeable au niveau du moyen Orient et de l’Afrique.
Entre l’Éthiopie et l’Égypte, le point commun qui peut avoir joué en faveur de leur sélection aux BRICS ; leur poids démographique . Plus de 120 millions pour le premier et près de 104 millions pour le second.
En conclusion, il devient plus logique de comprendre que ce n’est pas pour un manque de performance économique que l’Algérie a été écartée.
Les dirigeants du club des BRICS ont plutôt dissimulé les règles du jeu en penchant en faveur de choix étroitement liés aux intérêts de chaque membre. Les relations bilatérales entre chaque candidat et les membres du groupe ont pesé sur la balance.
L’enjeu était ailleurs que dans les annonces publiques. Chaque membre a parrainé un ou deux candidats suivant l’intérêt mis en avant.
Une affaire de compromis qui a primé beaucoup plus que le principe de consensus que l’on a tenté de mettre en avant.
Par ailleurs l’admission de l’Iran avec des performances économiques tout juste de niveau moyen ( PIB de 360 milliards de dollars et revenu par habitant de 4388 dollars ) ainsi qu’une inflation de plus de 50% confirme les non dits des principes qui président au fonctionnement réel des BRICS.
En introduisant l’Iran , soutenue par les Russes et les Chinois, le groupe adresse un message fort à l’occident mais trahit également ses propres règles du moins celles qu’il défendait et qui suggéraient que la priorité était d’ordre économique.
Sur un autre plan, il faudra signaler l’acceptation du dossier d’un pays à haut risque économique , financièrement en quasi faillite: l’Argentine.
Cette dernière souffre d’un assèchement dangereux de ses réserves de changes et peine à se libérer d’une dette de 44 milliards de dollars. Son inflation bat des records. Elle atteint plus de 100% !
Par contre le choix porté sur la candidature de l’Arabie Saoudite obéit à des considérations aisément compréhensibles. Son poids au sein de l’OPEP et son potentiel de pourvoyeurs de fonds de la banque des BRICS ont suffi à faire consensus autour de ce pays que l’on cherche à soustraire à l’emprise américaine.
De même que les capitaux émiratis , n’ont pu laisser indifférents les membres actifs du club des BRICS qui ont marqué leur accord à l’arrivée d’un pays appelé à devenir une manne financière de premier rang pour les projets futurs du groupe.
L’on fermera bien entendu les yeux sur les rapports du gendarme financier le GAFI qui soupçonne les Emirats d’abriter des fonds provenant de sources douteuses et d’encourager le blanchiment d’argent.
Entre les BRICS et les Emirats Arabes Unis, les bons comptes feront de bons alliés.
Au final, les BRICS ont choisi deux potentiels pourvoyeurs de fonds (Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis ) deux pays sans réelle assise économique en dehors des hydrocarbures , un symbole de l’anti occident ( Iran ) et trois pays endettés malmenés par des taux d’inflation à deux chiffres.
Dans cette sélection les BRICS n’ont pas convaincu.
Si l’on devait donc mettre l’Algérie, en compétition directe avec au moins trois de ces pays admis , elle présenterait sans complaisance, de meilleurs avantages comparatifs. Au sens politique comme au niveau économique.
On ne peut prétendre se libérer de l’hégémonie de l’Occident avec des pays soumis aux symboles de ce même Occident : le FMI et la banque mondiale.
Au sortir de la réunion , Sergueï Lavrov évoquait le « poids politique et l’influence à l’international comme critère de sélection des nouveaux membres…».
Une affirmation qui ne peut convaincre. Le chef de la diplomatie russe a omis d’évoquer le statut inavoué de chasse gardée conférée à chacun des nouveaux élus , plutôt parrainé que sélectionné par chaque membre du club.
l’Algérie a raté les BRICS. Mais pas le paradis…
A.A