Transferts illicites et surfacturation : Les fonds de toute une manœuvre…

Non. Ce n’est pas un comité de redressement fiscal. Il n’y a ni racket ni autre forme d’extorsion de fonds , tels que le suggèrent certaines voix qui tentent de s’élever pour dénoncer dans une terminologie inappropriée une opération assise sur un principe de droit et appuyé d’une volonté politique.
On aurait aimé entendre ces mêmes voix s’attaquer au problème de fond. Dénoncer le détournement. La fraude. Au lieu de s’en prendre outrageusement à la solution , au devoir de récupérer l’argent indûment transféré.
La surfacturation est un crime particulièrement grave. Une manœuvre qui exploite des circuits et avantages légaux pour affaiblir les capacités stratégiques du pays : les réserves de change.
Une majoration de valeurs à l’import revient à malmener la valeur du dinar.
Le transfert illicite consécutif à la surfacturation porte un sérieux coup jusqu’à la valeur du dinar par effet d’entraînement et au pouvoir d’achat des populations . C’est en cela que la surfacturation est un danger d’une nature singulièrement lourde.
Lutter contre le pouvoir de l’argent informel est inscrit dans cette démarche qui s’en va fouiller les opérations d’importation suspectes.
Il faut rappeler que techniquement , la surfacturation a touché essentiellement des produits de large consommation, des médicaments et une série de marchandises adossées à des avantages fiscaux eu égard à leur caractère sensible et leur destination finale au profit de larges couches de consommateurs.
Aujourd’hui, il est demandé à cette catégorie d’opérateurs indélicats de procéder au paiement en dinars de l’équivalent des sommes qu’ils ont indûment transférées. En quoi serait-ce illégal ou immoral ?
Si l’on devait appliquer strictement la loi, toute cette population de fraudeurs se retrouverait derrière les barreaux. D’autant qu’en matière de lutte contre les violations de la législation de change les sanctions sont particulièrement lourdes.
La précision mérite d’être soulignée : la commission interministérielle chargée de récupérer les fonds indûment transférés est gelée. Et non point annulée.
Si les formes et le mécanisme de traitement de ce dossier hautement sensible sont objectivement discutables, nul ne peut par contre remettre en cause le principe de fond: L’obligation légale , le devoir moral d’enclencher un processus de récupération de ces sommes.
Nul ne peut non plus nier que le phénomène de la surfacturation a bel et bien ravagé les ressources de l’État. En devises. Sous prétexte d’investissements surévalués ou d’importations bâties sur des factures majorées , des opérateurs ont fait sortir de la devise sans contrepartie réelle ou suffisante en marchandises. Des années durant, cette catégorie d’opérateurs a profité des lois et de règlements presque complices.
Il est utile de rappeler qu’il ne s’agit pas d’opérations de fraude fiscale. Mais plutôt de transferts illicites de devises donc d’infractions à la législation des changes et des mouvements de capitaux. Le fait est autrement plus grave.
Il est vrai que la base de calcul et d’évaluation des montants détournés par chacun des opérateurs épinglés pourrait être discutable. On ne peut techniquement évaluer ou prouver facilement les indices de la surfacturation.
L’enquête qui requiert un travail de fourmi concerne au premier chef l’institution douanière. C’est à elle qu’incombe la tâche de détecter les fausses factures et les valeurs majorées.
Une mission qui ne peut être confiée qu’à des techniciens qualifiés, rompus aux circuits du commerce extérieur.
Dans ce genre d’investigation, plusieurs intervenants doivent être forcément associés : la chambre de commerce du pays d’origine des marchandises importées et suspectées de majoration, les douanes du pays d’origine et surtout la banque du fournisseur qui a reçu les fonds.
Le renseignement douanier qui existait au niveau des douanes algériennes sous la forme d’une direction centrale associée aux services de lutte contre la fraude et des contrôles à posteriori , avait tissé à une certaine époque de solides relations avec les Douanes de certains pays réputés commercialement actifs avec l’Algérie.
Ce sont ces organes qui sont mis aux premiers rangs pour déterminer les opérations suspectes. L’enquête est censée comparer les prix du même produit importé par plusieurs opérateurs sur une même période. Démarche qui permet de situer une moyenne de prix.
L’accès démocratisé par l’internet aux valeurs commerciales sur le marché international permet également aux douaniers de se rapprocher de la vérité des prix.
Au delà de cette impérative révision, voire correction du mode d’évaluation des montants des amendes infligées aux opérateurs indélicats, aucun argument légal ni politique ne peut être mis en avant pour appeler à l’annulation de la démarche.
La composante de ce comité interministériel est rendue légitime devant le souci de conférer au processus une dimension politique à ce dossier. Il est question de protéger aussi bien le fraudeur que les représentants de l’État dans un processus qui met en jeu des milliards de dinars à récupérer. Cette option qui consiste à associer plusieurs ministères tend à contourner toute tentation à la dérive ou tentative d’ouvrir des brèches aux supputations.
Le principe adopté repose sur une base légale qui privilégie le traitement de la fraude dans un objectif qui met en priorité la restitution des fonds détournés plutôt que la sanction pénale.
Il est sûrement permis de débattre sur le mode de calcul des niveaux des amendes à infliger mais en aucun cas , il ne sera justifié sous quelque argument que ce soit, d’appeler à annuler la démarche. Il y a eu détournement de devises. Et cela est dûment avéré. Le débat est ailleurs.
Karim. A