La misère les a fait grandir trop vite : Ces petits «grands enfants»

L’année scolaire, pas du tout comme les autres, en raison de la pandémie dûe au coronavirus, tire à sa fin. Dans quelques jours, les vacances. Du moins pour quelques-uns. Ce ne sont pas tous les enfants algériens, qui ont en effet cette chance.

Si quelques chanceux comptent passer des moments « inoubliables » ici et là, d’autres non.
Ceux-là, ont d’autres préoccupations…subvenir d’abord à leurs besoins.

Ces petits bambins, dont le seul tort est d’être issus de familles nécessiteuses, sont ainsi contraints de faire l’impasse sur les loisirs, les vacances et les «délices» de l’enfance.

Sur le tronçon autoroutier Ben Aknoun-Zeralda, à titré illustratif, bon nombre de petits garçons et petites filles pointent dès le début de l’après-midi pour vendre des galettes que leurs mamans préparent à cet effet. Le commerce marche à merveille.
Les automobilistes admirent la qualité du produit et plusieurs d’entre eux sont, en effet, devenus des clients fidèles. A 30 dinars l’unité, ces bambins parviennent à écouler leurs «stocks» en l’espace de quelques heures.

«Je vends quotidiennement une cinquantaine de galettes. Ma mère passe toute la matinée pour les préparer et souffre beaucoup à cause de la chaleur et le jeûne, mais elle est heureuse car l’argent qu’on gagne sert à acquérir tout ce qui manque à la maison», nous a déclaré en toute innocence, Lila, âgée d’à peine douze ans. «Moi, je ne vends qu’une vingtaine de galettes car ma mère ne peut pas préparer plus en raison de sa maladie. Mais, on se contente de cela», intervient, de son côté, A quelques pas seulement, d’elle, Samir, onze ans qui fait « dans le même commerce».

A lui aussi, « son histoire ».

«Mon père n’est qu’un simple gardien de nuit dans une entreprise privée. Avec son salaire, il lui est impossible de subvenir aux besoins d’une famille de huit personnes dont cinq de nous, sont scolarisés. Et c’est notre manière, à moi et ma mère de lui prêter main forte d’autant les dépenses ne cessent de s’accroitre », a-t-il confié.
«Nous aurions aimé passer nos vacances comme les autres enfants, mais Allah Ghaleb, nous sommes pauvres et nous devons travailler», a-t-il ajouté comme pour résumer sa situation et celle de beaucoup de ses semblables.

Une enfance ratée

La misère a fait de ces milliers d’enfants travailleurs des adultes avant terme. Dans leur comportement, rien n’indique qu’ils vivent les premières années de leur vie. Ils courent, eux aussi, derrière la baguette de pain, pour reprendre une expression très répandue dans notre société.

Peau durcie, visages ridés et regard poignant, ces petits enfants ont raté de vivre la plus tendre de leur existence et sont passés à l’âge adulte. Ils le regrettent, certes, mais avouent que leur destin est ainsi fait. «J’ai quitté l’école à la cinquième année primaire, car je ne pouvais poursuivre ma scolarité, faute de moyens. Ça fait déjà quatre ans que je vends du tabac. J’assume la responsabilité de ma mère malade et de deux petites sœurs», a témoigné Karim, 15 ans, tenant une table de vente de tabac à Boumerdès.

Ce garçon qui vit avec sa mère dans un taudis à Corso se déplace quotidiennement au chef-lieu de la wilaya, où il passe toute sa journée à son petit boulot. «Je ne connais pas de repos dans ma vie, je travaille comme un esclave. Je n’ai même pas le temps de me rendre à la plage, pourtant distante d’à peine quelques mètres. Je suis privé de mon enfance», s’est-il désolé Il s’est dit, toutefois, fier de «pouvoir aider sa mère à se mettre à l’abri de la mendicité».

En l’écoutant, on imagine aisément qu’on est en face d’un adulte dont le seul souci est d’assurer la survie de sa famille.

Karim n’est pas le seul enfant à être contraint de sacrifier son enfance «pour la bonne cause», comme il tient à le souligner. Le cas de Nadir, 12 ans, est aussi des plus saisissants. Il sillonne la plage de Sghiret en proposant des petites bouteilles d’eau minérale fraîche aux estivants dés que le coup d’envoi de la saison estivale est donné.

Cette année encore, ne sera pas différente des précédentes.
«C’est mon destin, je ne peux faire autrement. Mon père est handicapé et ma mère travaille comme femme de ménage dans un établissement scolaire. Pendant mes vacances scolaires, les fins de journées et les week-ends, je travaille pour contribuer au budget familial», a avoué cet enfant, à la peau bronzée et au regard sérieux.

Son courage est vite rattrapé par un sentiment de privation et de frustration. Il fond en larmes. «La vie m’a condamné à des corvées interminables. Mon Dieu, mes camarades sont heureux et jouissent d’une vie décente, sauf moi ! Je suis fatigué, je suis malheureux…», a-t-il lancé en soupire.

Une phrase qui en dit long sur une enfance pas comme les autres.

Droit vers…la délinquance

Issus de familles défavorisées et démunies, ces centaines de milliers d’enfants, vivant des privations multiples, sont exposés à tous les dérapages et constituent souvent une proie facile pour les bandes de malfaiteurs.

Les statistiques rendues publiques par les services de sécurité, concernant la délinquance juvénile, sont des plus effrayantes. Les analyses font ressortir que les «petits criminels» sont des enfants appartenant à la classe sociale démunie.

Vente de drogue et d’autres produits prohibés, vols, incitation à la débauche… ces enfants plongent, malgré eux, dans un milieu qui ne colle nullement avec cette période la plus fragile dans la vie humaine. Le risque est encore plus gros, lorsqu’ils deviennent «accrocs» des sales besognes.

L’ignorance et la déperdition scolaire principales causes de la délinquance.

Près de 75 % des détenus dans les établissements pénitentiaires algériens sont des jeunes âgés de moins de 30 ans à la date de leur incarcération et disposant d’un niveau primaire pour certains.

Une bonne partie d’entre eux risque de demeurer des bandits même à l’âge adulte, surtout s’ils ne sont pas pris en charge comme il se doit au niveau des établissements de rééducation.

«Ces enfants défavorisés nourrissent un sentiment de haine envers la société entière, qu’ils prennent, inconsciemment pour responsable de leur souffrance. Cela crée en eux un certain besoin de prendre leur revanche en s’attaquant à d’autres personnes vivant dans des situations normales», estiment les psychologues.

La solution convenable, serait, selon les experts, de lutter d’abord contre la misère des familles pour qu’elles puissent prendre, elles-mêmes, en charge les besoins de leurs enfants. Car même si on assure tout à l’élève, qui se retrouve contraint d’aller travailler à sa sortie de l’école, cela ne mènera à rien.

Les pouvoirs publics sont appelés à «revoir entièrement leur politique de solidarité», a-t-on soutenu.

A bon entendeur…..

Y.O

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