Choisi pour Vous: Les vrais seigneurs de l’énergie au Maroc…

Un bel article montrant le vrai visage des privatisations menées au Maroc et qui ont livré les commandes de secteurs sensibles entre des mains qui malmènent le bien être général des populations de ce pays. Choisi pour nous par notre collaboratrice Malika Oubraham, ce papier extrait de L’orient XXI vaut le détour.

L’économie marocaine, va de mal en pire. Le secteur énergétique du royaume également puisque dépendant encore très largement de l’importation d’énergies fossiles et d’un secteur privé qui contrôle 84 % de la production d’électricité et la quasi-totalité de la distribution d’énergie.

La population est ainsi, « condamnée à subir les conséquences de choix politiques et économiques décidés par une élite, qui tient lieu de partenaire des multinationales et des banques internationales », analyse Orient XXI, spécialisé dans les questions économiques.

« L’indépendance du Maroc en 1956 n’a pas été accompagnée d’une indépendance énergétique. Le pays a toujours été dépendant de l’importation des énergies fossiles, qui représentent encore 90 % de l’approvisionnement total en énergie primaire, et 80 % de l’approvisionnement en électricité ; ou encore vis-à-vis du secteur privé, qui contrôle aujourd’hui la majorité de la production d’électricité (84 %) et la quasi-totalité de la distribution de l’énergie », lit-on en effet dans un long article publié par le site, au début du mois de janvier 2022.

Pour le rédacteur de l’article, les politiques libérales adoptées par le gouvernement pour tout le secteur de l’énergie, y compris les énergies renouvelables, et les partenariats public-privé qui les ont accompagnées n’ont cessé d’aggraver la dépendance à l’égard du secteur privé tout en accusant le poids de la dette.

Il a été à ce propos, souligné d’ailleurs, l’échec patent du modèle énergétique libéral sur les plans économique et écologique, et plus particulièrement du point de vue de la justice énergétique et écologique.

Les rapports officiels, dont celui du Conseil Economique, Social et Environnemental marocain, reconnaissent en partie cet échec, tout en continuant à prôner libéralisation, démantèlement et privatisation.

Or, il n’y aura pas de transition juste tant que le secteur de l’énergie restera sous contrôle des multinationales étrangères et d’une nomenklatura locale libres de piller l’État et de générer autant de profit qu’elles le souhaitent, dans un climat d’autoritarisme et de népotisme.

Le système de la dette et les partenariats public-privé sont un obstacle majeur à toute souveraineté nationale, voire populaire, y compris la souveraineté énergétique.
Une transition énergétique juste et profitable à tous nécessite la souveraineté de la population locale à chaque étape du processus de production : conception, mise en œuvre, exploitation, stockage et distribution.

Face à ce que l’on peut qualifier de tyrannie néolibérale et au déséquilibre des rapports de force au profit des classes dominantes, diverses formes de mécontentement et de protestation des populations locales se font entendre et tentent de construire des alternatives contre la gestion et l’enrichissement privés et contre cette forme de néocolonialisme dont les privatisations sont l’instrument et le symbole.

Il est fondamental d’être à l’écoute de ces initiatives, de les soutenir et de lier la question de la transition énergétique aux problématiques socio-économiques si l’on souhaite réellement construire une société plus juste et plus démocratique.

Une privatisation à outrance.

La population marocaine supporte les conséquences financières d’un système énergétique conçu par le Makhzen pour être «totalement inéquitable» pour profiter «exclusivement à des investisseurs privés», affirmait récemment un expert marocain dans une étude publiée récemment par le centre de recherche TNI Longreads.

La libéralisation du secteur énergétique au Maroc en 2014 a de ce fait, entraîné une «situation d’oligopole à tous les niveaux: importation, stockage, vente à la distribution, vente à la consommation. Jugez-en :

Les cinq premiers opérateurs accaparaient 70% du marché en 2017 parmi lesquels trois en détenaient 53,4 %» et en tête, la société Afriquia gaz, détenue par Aziz Akhenouch, chef du Gouvernement depuis septembre 2021.

« Le Maroc s’est lancé dans un processus de privatisation de ses entreprises publiques les plus rentables et de libéralisation des secteurs stratégiques. Le secteur de l’énergie a été parmi les premiers concernés, avec la privatisation de l’activité de raffinage du pétrole et l’introduction de la production privée dans l’activité pétrolière.La Société anonyme marocaine de l’industrie du raffinage (Samir) fut privatisée en 1997 au profit du groupe suédo-saoudien Corral Petroleum Holding, appartenant majoritairement au milliardaire saoudien Mohamed Al-Amoudi », rappelle encore Orient XXI.

La même année, les services de distribution d’eau potable et d’électricité, la collecte des eaux pluviales et usées et l’éclairage public de la région du Grand Casablanca (4,2 millions d’habitants) se voyaient attribués à un exploitant unique : la Lyonnaise des eaux Casablanca (Lydec), filiale de la compagnie française Lyonnaise des eaux (aujourd’hui Suez Environnement).

Cette situation d’oligopole «s’est aggravée avec la fermeture de la Société anonyme marocaine de l’industrie du raffinage (Samir) en 2015, alors qu’elle assurait 64% de la demande en produits raffinés et une grande capacité de stockage (2 millions de mètres cubes)».

La plus grosse faillite de l’histoire.

Deux exemples l’illustrent bien : ceux de la Samir et de Lydec. La privatisation pour la première s’est soldée par la plus grosse faillite de l’histoire du Maroc, avec 4 milliards d’euros de dettes envers l’État et plus de 800 travailleuses — et leurs familles — laissées sans ressources.

Pour la Lydec, différents rapports, y compris officiels — dont le rapport de la Cour des comptes de 2014 —, ont révélé de nombreux abus relatifs aux droits fondamentaux commis par le concessionnaire avec la complicité ou le silence des autorités et élus locaux, notamment par la privation du droit au branchement social et une augmentation des montants des factures d’eau et d’électricité contraire aux dispositions du contrat de concession.

Sur le plan économique et financier, la Lydec n’a pas honoré le programme d’investissement convenu dans le contrat et entrepris un transfert d’argent en devises sous forme de dividendes : 160 millions d’euros aux actionnaires ainsi que des bénéfices déguisés sous forme de dépenses pour la maison-mère pour assistance technique , qui s’élèvent à 100 millions d’euros pour la première décennie.
Si l’objectif d’atteindre 42 % de l’énergie électrique de source renouvelable en 2020 n’a pas été atteint selon les chiffres officiels du gouvernement, celui d’augmenter la part des concessions privées dans la production électrique a, quant à lui, été dépassé.

Fin 2021, le secteur privé contrôle 71,8 % de la production d’énergie électrique au Maroc.

Synthèse Y.O

Extrait du magazine Orient XXI.

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