Revirement espagnol sur le Sahara occidental : Transaction et concessions sur fond de trahison…

Le revirement soudain de la position du gouvernement espagnol, exprimé par son président, Pedro Sanchez, a été accueilli avec mécontentement, car constituant une violation du droit international et un retournement de la position traditionnelle maintenue par les gouvernements espagnols successifs, fondée sur la légalité internationale et le respect du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, au vu de la responsabilité historique et juridique de l’Espagne, en tant que puissance administrante du Sahara occidental.

« Dans cette affaire de revirement de la position historique espagnole sur le Sahara occidental, il y a les faits. Et il y a les interprétations », écrit Ali Lemrabet, journaliste marocain, dans une longue tribune publiée sur les colonnes de Middle East Eye.

« Dans ce sempiternel conflit, le gouvernement espagnol vient d’abandonner sa traditionnelle neutralité active, vieille de plusieurs décennies, pour épouser la position marocaine », soutien le journaliste, interdit d’exercer sa profession de journaliste par le pouvoir marocain.

Pour lui, la proposition de Rabat pour régler définitivement cette question est l’octroi d’une autonomie.
« Il faut dire qu’il ne s’agit pas ici d’une généreuse autonomie à l’espagnole avec ses larges prérogatives. Le régime alaouite continuerait à contrôler étroitement l’ancienne colonie. Ce brutal revirement espagnol a son importance car il risque de provoquer un effet d’entraînement des autres États de l’Union européenne, mais aussi parce que pour les Nations unies, l’Espagne reste la puissance administrative du territoire – le Maroc étant un administrateur de fait –, tant qu’un référendum d’autodétermination n’a pas eu lieu », explique-t-il encore.

Cette initiative espagnole (une lettre envoyée par Pedro Sánchez, le président socialiste du gouvernement espagnol, au roi du Maroc) a en effet, pris tout le monde de court.

À commencer par les Nations unies, dont le porte-parole, Stéphane Dujarric, vient de rappeler timidement que le conflit doit être résolu dans le cadre d’un processus politique sous ses directives, rappelle-t-il.
Il s’agit surtout de la classe politique de la péninsule Ibérique, de gauche comme de droite, qui a condamné, pour une fois à l’unisson, la décision de Sánchez d’abandonner une «deuxième fois » aux Marocains cette ancienne province espagnole (la première fois était en 1975, lors de l’accord de partition du Sahara occidental entre le Maroc et la Mauritanie).

« Les alliés gouvernementaux de M. Sánchez et ses soutiens parlementaires l’ont fait bruyamment savoir en accusant l’exécutif d’avoir cédé au « chantage » du Maroc. Et même le Partido popular (PP), le principal parti de l’opposition, a dénoncé cette rupture du consensus national en matière de politique étrangère. Pour le moment, seul le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) soutient son chef », a-t-il encore dit.

Que s’est-il passé pour que Sánchez, un ancien défenseur des indépendantistes sahraouis, étrille une position consensuelle vieille de 46 ans et torde le cou au programme de son propre parti au risque de se mettre à dos ses partenaires politiques et l’Algérie, un « allié stratégique » dit-on au ministère espagnol des Affaires étrangères?

Premièrement, aux dires de  Ali Lmrabet, il y avait la nécessité, assure-t-on à Madrid, avec la guerre qui fait rage en Ukraine, de ne pas avoir deux fronts ouverts à la fois. Le russe et le marocain.
Comme si l’Espagne avait une position prépondérante dans les structures de l’OTAN. Comme si les sautillements diplomatiques marocains pouvaient être perçus comme constitutifs d’un véritable front.

« La renonciation du Maroc à ses revendications territoriales historiques sur les enclaves de Ceuta et Melilla serait un coup de tonnerre dans le ciel patriotique et patriotard marocain », a-t-il soutenu.

Il a dans ce contexte rappelé que des éditorialistes, très rares, proches des positionnements de la Moncloa (siège du gouvernement), soulignent pourtant ce point.
Certains d’entre eux vont, sous une pluie de reproches il est vrai, jusqu’à présenter l’autonomie sous contrôle marocain comme la meilleure solution pour le peuple sahraoui.

Deuxièmement, pour Madrid, la coopération avec le Maroc en matière de lutte contre l’immigration illégale est capitale.
« Et il n’est pas question d’une autre fâcherie marocaine, comme celle de mai 2021 quand les autorités marocaines ont ouvert les portes de leur frontière avec Ceuta pour laisser passer des milliers de Marocains, dont des enfants » déplore le journaliste.

Sur ce dernier point, pour venir en aide à son chef, Miquel Iceta, le ministre de la Culture et des Sports, a retweeté un article paru dans la presse qui affirme qu’en échange de la reconnaissance du plan d’autonomie, le Maroc aurait « renoncé à Ceuta, Melilla et aux îles Canaries ».

Le fait que le ministre Iceta, un fidèle parmi les fidèles de Sánchez, ait sauté allègrement sur cette étonnante assertion, non recoupée pour le moment, pour justifier le revirement espagnol montre que l’entourage du président du gouvernement est soit perplexe, soit qu’il raconte n’importe quoi.

Mais toutes ces interprétations ne peuvent pas expliquer entièrement la démesure, selon l’immense majorité des analystes espagnols, du revirement espagnol, d’autant plus qu’en Espagne, l’électeur socialiste, celui de Pedro Sánchez, est celui, avec les autres sympathisants de gauche, qui communie le plus avec les indépendantistes sahraouis.

Pour les uns, il y a quelque chose de mystérieux dans ce revirement. Car fâcher l’Algérie, premier fournisseur de gaz de l’Espagne, a quelque chose de « descabellado » (fou), s’inquiètent certains commentateurs, qui mettent en avant la vulnérabilité énergétique de leur pays. Le rappel par l’Algérie de son ambassadeur à Madrid en a rajouté une couche.

D’autres croient savoir qu’il existe une conjuration hispano-américano-marocaine, avec le soutien de Bruxelles, pour pousser les Sahraouis dans les bras du régime marocain.
Il y a peut-être quelque chose de vrai, et aussi beaucoup de faux, dans ces commentaires. On le saura peut-être un jour….

Synthèse Y.O

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