Réflexion autour d’une université libérée…

Le président de la république a, lors du dernier conseil des ministres tenu le 9 aout 2020 pris d’importantes décisions dans le domaine de l’enseignement supérieur.

 

A ce propos, le chef de l’Etat a évoqué le recours à l’enseignement à distance, qui peut être une formule appropriée à condition qu’elle soit soutenue par les moyens technologiques et satellitaires nationaux.

Evoquant le volet pédagogique, le président Tebboune a instruit le gouvernement sur «la nécessité d’ouvrir la formation en mastère et en doctorat à tous les étudiants qui le souhaitent, sans sélection.

Il a rappelé, à ce titre, l’importance de connecter l’université à l’économie réelle, avec la possibilité de prestation effective en faveur de ses différents segments. », a indiqué un communiqué de la présidence de la République.

 

Ces décisions sont certes importantes, mais a notre avis ne rectifient pas la vision stratégique élaborée suivant le modèle universitaire mis en place depuis l’Independance de l’Algérie.

En effet, durant la période de l’expansion colonialiste, et plus particulièrement depuis la seconde moitié du XXe siècle, la modernisation des sociétés a porté une diffusion des modèles universitaires européens :

Le modèle français « napoléonien » a consacré un système, expression de l’affirmation de l’État nation prenant appui sur une administration censée garantir les notions de méritocratie et d’élitisme républicain.

Celui-ci a été reproduit en Espagne, Italie, Argentine et en Afrique francophone y compris l’Algérie.

 

Le système universitaire anglais, plus élitiste, a davantage visé le développement complet de l’individu, alors que le modèle « humboldtien » allemand s’est fondé sur l’idée selon laquelle l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics était un préalable à la qualité des institutions de recherche et d’enseignement supérieur.

 

Quant au système universitaire américain, pôle d’imitation et d’attraction académique majeur dans le monde, il a été historiquement marqué par ce dernier modèle.

 

De nos jours, l’ensemble des transformations accrues à l’égard des universités en matière de différenciation des institutions, de combinaisons de financements publics et privés ont contribué à transformer le rôle des États dans la conduite des politiques universitaires et semblent appeler un nouveau modèle de régulation des systèmes universitaires, en voie de diffusion rapide dans le monde :

Abandon du cadre national des diplômes et accroissement de l’autonomie des établissements, introduction au sein des universités de méthodes managériales transposées du privé et renforcement du pouvoir des présidents des universités, en particulier dans le domaine de la maîtrise budgétaire, évaluation externe et mécanisme d’accréditation.

 

De ce nouveau paysage universitaire, les États ne sont pas absents mais leur rôle est transformé : Financeurs importants mais, administrant moins directement les processus.

Dans ce cadre, les pouvoirs publics définissent les grands objectifs et mettent en place les dispositifs qui stimulent et évaluent la performance des établissements telles les méthodes procédurales et d’efficacité budgétaires issues de la direction par objectifs (DPO) et de la loi organique des lois des finances(LOLF).

A noter que la réforme des universités européennes participe au mouvement plus vaste de la réforme des services publics et de la philosophie du New Public Management issue de la science de gestion.

Si, dans le modèle humboldtien, anglais ou français, l’Etat a financé les universités pour les abriter du monde extérieur, considérant qu’il s’agissait là de la meilleure garantie pour créer un climat propice à la recherche et à l’innovation,dans le nouveau modèle, l’objectif est de faire rentrer l’université dans le monde au nom d’un principe de responsabilisation.

 

Le « nouveau modèle » qui se met en place n’est pas le même dans tous les pays, tant il est vrai que les réformes nationales s’inscrivent dans un cadre institutionnel donné qui exerce une prégnance certaine.

 

II partage cependant, au moins comme idéal-type, un certain nombre de points communs qui en font d’une certaine manière le parfait inverse des modèles voulus anciennement.

L’Algérie mettra-t-elle ses universités au diapason de ce qui se passe dans le monde ?

À bon entendeur…

Docteur Rafik Alloui

 

 

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