Prés de vingt ans après le séisme de 2003 : Boumerdes se cherche toujours…

Boumerdes. Mercredi, 21 mai de l’an 2003. La ville est frappée par un violent séisme ayant réduit à néant la totalité des infrastructures de base du chef lieu de la wilaya mais aussi la périphérie.
La secousse était forte au point où même  Alger et Tizi-Ouzou ont failli être effacées de la carte géographique.

Il était 19 heures 44 minutes, quand des entrailles de la terre parvenaient de terribles grondements, le sol ondulait, les maisons chancelaient, le rivage de la Méditerranée se vidait de son eau turquoise, la pénombre tombait sur les cités et les villages. Le temps s’est figé. Un long silence drapait l’atmosphère. Des nuages de poussière montaient, les cris de douleur.

La Faucheuse se livrait à une course macabre pour prélever sa dîme. Le tremblement de terre d’une magnitude de 7,2 sur l’échelle de Richter a été localisé à l’intérieur de la mer, à 7 km au nord de l’embouchure de oued Isser, dans la commune de Zemmouri.
Sidi Daoud, Zemmouri, Bordj Ménaïel, Thénia et surtout le chef-lieu de wilaya ont été les villes de Boumerdès les plus touchées par la secousse tellurique.

Pour la wilaya d’Alger, c’est Réghaïa, avec notamment l’effondrement du fameux immeuble numéro 10, qui a été la plus touchée. 19 744 infrastructures publiques et privées notamment, des immeubles d’habitation, des mosquées, des établissements scolaires, universitaires et sanitaires, des maisons individuelles, des ponts ont été complètement détruits dans la seule wilaya de Boumerdès.
La wilaya a, par ailleurs, déploré 1 391 morts et plus de 10 000 blessés. A ce sinistre, il y a lieu d’inclure les victimes et les dégâts enregistrés dans l’est de la wilaya d’Alger et l’ouest de Tizi-Ouzou.

Au total, le bilan faisait état de 2 300 décès dans les trois wilayas et les dégâts ont été estimés par le gouvernement à 5 milliards de dollars. Quelques minutes après le drame, le dévouement de la jeunesse algérienne et la solidarité séculaire du peuple se sont révélés au grand jour. Des exemples héroïques venus de jeunes, premiers à accourir sur le front de la calamité pour aider les victimes, étaient légion.

Le tremblement de terre du 21 mai 2003 a été un grand révélateur quant au comportement de la société algérienne mais surtout sur les failles dans la gestion des affaires de l’Etat. En 2013, les Boumerdessis s’en souviennent comme si cela datait d’hier. Ils en gardent les plus mauvais souvenirs. Chose légitime d’autant que ce jour-là, beaucoup d’entre eux ont perdu, qui un membre de sa famille, qui un voisin ou une simple connaissance.

Dix-huit ans après, la ville reprend peu à peu son activité mais surtout son charme d’antan. Presque tout a été rebâti. Beaucoup de bâtiments d’administrations, particulièrement ont certes changé d’adresses, mais le nouveau visage que s’est offert la ville dés lors, est visible.
L’attestent les tours érigées un peu partout, les trottoirs refaits à neuf mais aussi les boutiques qui animent quotidiennement les artères. Difficile à panser les blessures mais chacun s’adonne à ses préoccupations quotidiennes, si ce n’est ces chalets éparpillés ici et là, qui rappellent que l’horreur était déjà passée par là.

Du provisoire qui perdure

Dépourvus de toutes les commodités, ce sont quelque 4700 familles (selon les données recoupées ici et là arrêtées à janvier dernier) qui vivent dans des chalets prés de vingt ans après le tremblement de terre qui a secoué la wilaya de Boumerdès et ses environs.

Elles vivent au rythme des mensonges électoraux. Et attendent surtout à ce que les promesses des walis (une dizaine depuis) se concrétisent.
.Le taux d’éradication des chalets, à Boumerdès, était de prés de 70%, à fin 2019, a indiqué, à l’APS, le directeur local du logement, Nabil Yahiaoui. Il a ajouté que ce taux d’éradication « représente 9.700 chalets sur un total de 14.917 unités installées au niveau de 94 sites, à travers 28 communes de la wilaya au lendemain du séisme ».
l’éradication de ces chalets a permis le relogement d’une population globale de prés de 40.000 âmes, avec une moyenne de cinq membres par famille et par logement, à travers 19 communes.
Il en restait -jusqu’en mai 2020-au nombre de 5.227, à travers 13 communes. « Ces sites abritent encore plusieurs familles qui vivent au milieu d’un décor apocalyptique avec des carcasses de chalets détruits, des fuites d’eau usée, des monticules de gravats et des câbles électriques ça et là. Cela est constaté à Thénia, Naciria, Béni Amrane, Bordj Menaiel, Issers, Sahel, Sablière, Figuier, etc. A Thénia et Bordj Menaiel, plus d’une centaine de familles ont été laissées à leur triste sort livrées à tous les maux à Hai Ellouz et Vachy; les autorités leur ont coupé même l’eau et l’électricité », constataient dernièrement nos confrères d’El Watan.

Où est passé l’hôpital ?

Un autre manque d’infrastructure vient s’ajouter à une liste déjà longue. La ville de Boumerdès ne dispose pas d’un hôpital.
Les responsables, avec l’apport de l’université M’hamed-Bouguerra de Boumerdès et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, envisagent la création d’une faculté de médecine et d’une école paramédicale. C’est ainsi qu’avec toutes les spécialités et ses services, l’hôpital de Boumerdès sera doté du statut de centre hospitalier universitaire (CHU) au même titre que ceux d’Alger et Tizi-Ouzou.

Pour l’heure, les travaux de réalisation du grand hôpital de Boumerdés avancent à petits pas.
Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Abderrahmane Benbouzid, effectuait le 20 juin dernier, une visite de travail et d’inspection dans la wilaya de Boumerdès. Parmi ses haltes : le projet de réalisation d’un hôpital d’une capacité de 240 lits à la Cité Sahel.

Abderrahmane Benbouzid n’est, certes, le premier responsable du secteur de la Santé que depuis le 04 janvier 2020, mais pas le projet qu’il vient de visiter et qui est à la traîne depuis…2012 et, en plus, inscrit au titre du plan quinquennal 2005-2009 pour une enveloppe de 1,3 milliard de DA, portée à près de cinq milliards suite à la réévaluation de son coût.

La fiche technique révèle que l’établissement, bénéficiant d’une assiette foncière de 5 ha, sera construit sur cinq étages, doté d’une dizaine de blocs opératoires destinés aux interventions chirurgicales en neurochirurgie et en cardiologie interventionnelle, en plus de services médicaux divers.

Le projet a été attribué initialement, en mars 2011, à l’entreprise portugaise Abrantina.
Enfin, les travaux ont été entamés en février 2014 par l’entreprise italienne CGF Construzioni dont le contrat a été « résilié en raison d’importants retards», selon la direction locale de la Santé.
En 2020, les travaux ne sont que de 65%.

Pourtant, en 2015, lors d’une visite de travail dans la wilaya, Abdelmalek Boudiaf, alors ministre de la Santé, avait insisté sur l’accélération de la cadence des travaux ramenant la réalisation de l’hôpital en question à « une année et demie ».
Depuis, pas moins de six walis se sont succédés à la tête de l’exécutif, selon un décompte des confrères, et, à chaque visite de ministre sur le site -plus d’une dizaine- des instructions sont données, « pour l’accélération de la cadence des travaux .

Six ans après, le chef-lieu de la première capitale algérienne Rocher Noir, est toujours sans hôpital.
Ce retard, n’est pas sans pénaliser les patients de la wilaya, qui sont orientés vers les hôpitaux d’Alger et de Tizi-Ouzou pour la moindre prise en charge en milieu hospitalier.

Idem pour l’hôpital psychiatrique de Boudouaou dont les travaux de réalisation avaient été entamés en 2010. Quant à la réception, elle était prévue en 2012. Huit ans après, rien n’est concrétisé. Une autre des nombreuses promesses non tenues…

A quand une gare routière digne de ce nom?

Le terrain faisant actuellement office de semblant de gare routière est en passe de devenir un lieu infréquentable.
De par l’anarchie et la confusion qui y règnent tout au long de l’année, cette soit disant gare est devenue un calvaire aussi bien pour les voyageurs que pour les transporteurs.

La dégradation continue des lieux ainsi que l’absence d’espaces appropriés pour le stationnement ont longtemps été décriés par les usagers. Un désordre indescriptible y règne. Les chefs de quais où les représentants de l’entreprise en charge de sa gestion qu’on a l’habitude de croiser dans d’autres gares routières sont méconnus des milliers d’usagers transitant par cette « gare routière ». Ce lieu très fréquenté ne semble pas du tout susciter aucune attention des responsables locaux y compris le nouveau P/ APC de Boumerdès.

La gare routière censée être la vitrine de la ville, offre une image désolante. Disons plutôt que cet espace n’a de gare que le nom. En dépit des importantes recettes qui y sont engrangées, rien n’est fait pour améliorer la situation. Combien sont-ils à faire face, en hiver à la boue et au mauvais temps et en été à ce soleil de plomb ? des milliers assurément. « C’est vraiment paradoxale dans chef lieu comme celui de Boumerdès. D’un côté on parle d’améliorer le vécu des citoyens, de l’autre cela demeure un discours sans suite aucune. Pourtant l’argent ne manque pas à mon avis d’autant que ce sont pas moins de 700 bus qui s’acquittent mensuellement du droit de stationnement », s’est indigné un chauffeur assurant la liaison Tizi-Ouzou-Boumerdès.

La fin du calvaire n’est pas pour demain. Certes, des travaux de bitumage ont y été engagés récemment, mais les lieux ne seront pas aménagés de sitôt, car une gare intermodale au centre-ville ne semble pas être inscrite dans l’agenda de la direction locale des Transports.

Y.O

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