La colère du président et l’erreur d’un ministre : Abderrahmane Raouya a-t-il été trop bavard?

Abderrahmane Raouya a-t-il trop parlé ?

Limogé ce mardi par le président de la république qui ne lui a accordé aucun sursis , le désormais ex ministre des finances, Abderrahmane Raouya n’aura finalement pas fait long feu au sein du gouvernement.

Lui,  qui a été rappelé à ce département le 19 février dernier, se voit débarquer à un moment où le remaniement ministériel était pourtant annoncé imminent.

Tebboune semble tenir à montrer sans le moindre doute  qu’il s’agit là d’une sanction qui devait intervenir avec effet immédiat.

Sinon le président aurait pu attendre le prochain remaniement pour acter une telle décision.

Le mode opératoire laisse entrevoir non seulement la colère du chef de l’État mais semble également destiné à confirmer ses engagements maintes fois répétés. Tebboune affirmait dans plusieurs de ses sorties que chaque fois que l’erreur serait avérée , n’importe quel ministre ou autre haut responsable fera l’objet d’un limogeage immédiat.

Dans le cas de Raouya, il est aisé de privilégier quelques pistes de lecture qui expliqueraient le sort qu’il vient de connaître.

Tout récemment, le désormais ex ministre avait évoqué, devant les députés, le dossier brûlant de l’automobile en allant affirmer que celui ci allait connaître un dénouement dans « les prochains jours».

Raouya faisait ainsi une annonce officielle en allant jusqu’à dévoiler les contours de la politique fiscale et parafiscale liée aux avantages susceptibles d’être accordés sur ce segment.

Il déclarait que le gouvernement était conscient que le parc national automobile nécessitait un renouvellement et qu’il comprenait la préoccupation des citoyens . Raouya s’est voulu rassurant en annonçant un tel « scoop» sur un dossier qui a concentré un intérêt particulier de tous les algériens.

Ces annonces ont probablement embarrassé lourdement en hauts lieux .

Quand bien même le dossier de l’automobile serait sur la voie du dénouement , on a dû estimer en hauts lieux que l’annonce devait être réservée exclusivement au chef de l’État.

Un dossier à fort dividendes politiques.

Le malheureux ministre des finances qui en aurait trop dit , a probablement pu, également faire l’objet de reproches sur les limites de ses prérogatives .

A-t-on jugé que Raouya avait empiété sur les attributions de son collègue, le ministre de l’industrie qui serait le seul habilité à communiquer sur le dossier de l’automobile?

En tous cas, il semble que l’ex ministre des Finances a défloré un sujet important. Il a en outre mis devant le fait accompli les pouvoirs publics qui ont eu du mal à gérer l’épineux segment de l’importation et du montage de véhicules.

Depuis pratiquement 3 ans , ce segment a connu plusieurs annonces sans effet. Une tergiversation qui a même pris la forme d’une disposition contenue dans la loi de finances autorisant l’importation de véhicules d’occasion . Une disposition qui ne sera jamais appliquée. Et depuis c’est le black out.

Dans un contexte économique difficile, où les réserves de changes étaient sérieusement inquiétantes de par leur maigre niveau , les pouvoirs publics ont décidé de gagner du temps. Il n’était pas évident d’ouvrir ce marché.

Aujourd’hui que l’odeur de l’embellie financière consécutive à la reprise des cours du pétrole est devenue quelque peu rassurante, l’option de réouvrir l’importation des véhicules et de la relance du montage n’est pas totalement écartée.

Dans tous les cas de figure , que le dénouement automobile soit au programme ou non, il a été jugé que Raouya n’était pas habilité à communiquer sur le dossier.

Il faut aussi  rappeler par ailleurs que Tebboune avait ordonné au cours du dernier conseil des ministres, la création d’une banque de l’habitat . Il avait accordé un délai d’un mois pour cette réalisation. C’est à dire , au plus tard , la fin de ce mois de juin.

Le chef de l’État a en outre insisté sur l’accélération du processus d’ouverture d’agences bancaires à l’étranger , notamment en Afrique , dans une première étape.

Raouya a-t-il raté ces chantiers ?

Enfin, il y a aussi cette récente note de l’association professionnelle des banques et assurances ( ABEF) intervenue le jour même où l’Algérie a décidé de geler le traité d’amitié et de bon voisinage avec l’Espagne.

La note de l’ABEF adressée à toutes les banques de la place invitait ces dernières à suspendre toutes les domiciliations des opérations de commerce extérieur avec l’Espagne.

Beaucoup croient savoir qu’il existerait un lien direct entre le limogeage du ministre des finances avec cette note de l’ABEF qui a sérieusement donné des sueurs froides aux Espagnols . Gouvernement et opérateurs économiques.

Néanmoins, l’ABEF qui ne dispose en aucune manière d’un quelconque statut d’autorité monétaire ayant le pouvoir de décision,  est statutairement définie comme une organisation professionnelle dont les missions se limitent à la concertation, propositions et avis . Mais en aucun cas elle ne peut émettre d’instructions.

Ce rôle est exclusivement dévolu à l’autorité monétaire , la banque d’Algérie , en l’occurrence.

S’agissant d’une décision aussi sensible qui engage la politique de tout un pays , on voit mal comment l’ABEF a pu prendre l’initiative , voire le risque de s’immiscer dans un registre inscrit au chapitre des domaines réservés.

l’ABEF peut recevoir des instructions et des notes pouvant émaner de la banque d’Algérie, des ministères , soit du commerce, des finances, de l’agriculture etc et à charge pour elle de les répercuter sur les banques commerciales. Sans plus.

Dans le cas présent , on ne sait toujours pas d’où sont venues les directives de geler le commerce avec l’Espagne ? Qui a instruit l’ABEF?

Autant de questions autour du limogeage de Abderrahmane Raouya .

ABN

 

 

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