Fin des subventions : Ce que Ouyahia n’avait pas osé…

Le risque est gros. Et timing inapproprié.

Aymen Benabderrahmane va sûrement gagner un taux d’impopularité record avec sa politique annoncée de toucher au pouvoir d’achat des algériens via la suppression des subventions.

Bien entendu le chef de l’exécutif y met les formes et évite les détails afin de contourner toute  levée de boucliers . Il propose ni plus ni moins d’aller puiser dans les maigres poches des algériens pour assurer une économie fort discutable sur la facture du soutien des prix, démarche qu’aucun gouvernement n’a jusqu’ici osé entreprendre.

Économiquement parlant , cette mesure est sûrement justifiée. Politiquement,  elle peut par contre induire un coût élevé tant est grande la colère des citoyens déjà soumis à rude épreuve en terme de pouvoir d’achat . Et c’est cette annonce déguisée de la fin d’une ère, d’une culture qui a tellement dominé, celle de l’Etat social , qui va être durement acceptée.

Et si le président Abdelmadjid Tebboune insistait à chaque occasion sur le non abandon de la politique de  l’État social , la délicatesse de cette mission qu’entreprend son premier ministre va assurément susciter des doutes . Le contexte politique actuel est-il réellement approprié pour de telles décisions ?

Alors qu’il était attendu ou du moins souhaité voir le gouvernement briller par quelques plans censés produire la richesse et favoriser la relance économique, c’est la solution de facilité qui semble primer . Une sorte de taxe qui ne dit pas son nom vient frapper le pouvoir d’achat des algériens. Et curieusement, face aux décisions de l’exécutif sur des questions aussi importantes en rapport direct avec le pouvoir d’achat , le syndicat UGTA version 2021 brille par son mutisme.

Autrefois, sujet sensible, voire tabou, la problématique liée à la levée des subventions que s’emploie coûte que coûte à faire admettre le gouvernement de Aymen Benabderrahmane est en train de faire son chemin.

Si l’on se fie à la philosophie de l’actuel premier ministre et néanmoins ministre des finances, les subventions coûteraient au trésor pas moins de 17 milliards de dollars. Soit l’équivalent de 6 mois de recettes des hydrocarbures !

Des chiffres que personne ne semble habilité à vérifier ou à discuter y compris par ces nouveaux députés auprès desquels Aymen Benabderrahmane tente l’argumentaire sur la nécessité de faire admettre aux algériens la fin du soutien de l’Etat.

Le premier ministre développe de maigres arguments en allant déclarer que l’aide de l’Etat sera exclusivement réservée aux nécessiteux , les faibles revenus et les couches vulnérables lesquels auront à bénéficier , selon ses dires, d’un soutien direct et ciblé. Rien que ça! Même Ouyahia n’avait pas osé un tel risque, sachant la gravité pouvant découler d’une telle décision.

Aymen Benabderrahmane a raison de rappeler , comme tout le monde le sait déjà, qu’il n’est pas normal que  l’aide de l’Etat profite plus aux riches qu’aux nécessiteux. D’où le recours au système de ciblage et l’introduction d’un  filtre qui devrait permettre d’orienter cette aide au profit de ceux qui la méritent.

Et toute la problématique se situe à ce niveau. Qui va être considéré comme éligible à l’aide de l’Etat ? À partir de quel niveau de revenu l’Algérien sera classé comme tel? Qui va procéder à ce recensement ? Combien de temps faudra il pour finaliser ce fichier de personnes admises au soutien de l’Etat ? Quels seront les paramètres d’évaluation et dispose-t-on concrètement de données statistiques et d’outils d’appréciation fiables pour réussir un tel travail d’identification de ces couches populaires appelées à émarger au registre du ciblage direct que propose le gouvernement ?

 De même qu’il y a lieu aussi de se poser la question sur le niveau de cette aide ;sera- t- elle uniforme ou proportionnelle aux revenus des uns et des autres? Il y a tant d’interrogations auxquelles le premier ministre ne répond pas .

Lui qui doit bien savoir que dans un pays où la gestion humiliante du couffin de Ramadhan a montré tant de dérapages et de dépassements semble oublier que la complexité de la démarche comporte un risque d’explosion sociale dont il est facile de prévoir le coût. 

Par ailleurs le premier ministre reste vague sur la famille de produits de large consommation concernée par cette levée de subventions.

S’agirait-il du blé donc du pain ? Du lait ? Du gaz et de l’électricité ? Du carburant ? Des transports?

Encore mieux, pensant être persuasif, Aymen Benabderrahmane déclare que les fonds obtenus de cette levée iront appuyer les secteurs de la santé et de l’éducation tout en soulignant que cela permettra de…revaloriser les salaires !

Déclaration déroutante de la part d’un financier. Il aurait sûrement été plus indiqué d’évoquer le gain attendu pouvant être produit par l’impôt sur la fortune dont les revenus seraient par la suite répartis au profit de ces couches sociales vulnérables. Ce qui est sûr c’est que le premier ministre n’aime pas s’etaler sur les détails qui ont toute leur importance.

Sa démarche dont les mécanismes restent imprécis est hasardeuse . En ce sens où elle va produire une injustice sociale difficilement supportable et va également grossir le nombre de populations vulnérables. Dans ces calculs , la classe moyenne , celle des cadres et des travailleurs de niveau intermédiaire est menacée de déperdition.

Il est d’ailleurs plus facile de recenser la population aisée ,plutôt que de s’evertuer au recensement des potentiels démunis , candidats aux transferts sociaux .

2022, si le chef de l’Etat n’intervient pas pour rectifier le tir, les algériens devront faire face à une triste réalité : l’amère  vérité des prix.

Karim. A

 

 

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