En attendant le nouveau gouvernement: Comment associer pratique démocratique et relance économique?

Dans un modèle démocratique, l’exécutif peut être amené à ne pas prendre les décisions économiques sous l’influence de groupes de pression.

Plusieurs auteurs notamment Acemoglu et Sen, considèrent que la démocratie favoriserait la croissance économique grâce au système redistributif.

Certes l’Algérie tente aujourd’hui une transition pour instaurer dit-on une démocratie, mais cette tentative est menée principalement par le haut. La transitologie qui est une discipline et domaine de recherche en sciences politiques permet schématiquement de faire la distinction entre les transitions par le haut, pactées ou non par le bas.

C’est Juan Linz, qui a proposé cette discipline dans un ouvrage collectif qu’il a dirigé avec son camarade Alfred Stepan « Problems of Democratic Transition and Consolidation » à travers l’étude de quatorze cas différents de pays qui ont connu des expériences de transitions démocratiques.Les auteurs ont fini par poser un nouveau paradigme d’analyse de la transition menant vers une démocratie consolidée. Il ont conclu que la transition à partir du bas est la mieux indiquée.

Ce mode de transition avec lequel ont réussi de nombreux pays à instaurer une véritable démocratie consolidée, devrait être appliquée dans notre pays, car cela implique l’ensemble des acteurs à jouer un rôle, et engendre un consensus de démocratisation.

Nous avons expliqué cela dans une série d’articles parus dans ce même journal.

Malheureusement, notre pays a jusqu’à maintenant mis en pratique la transition par le haut, ce qui a provoqué un sentiment de vouloir maintenir de force le même système.C’est ce qu’a fait durer le décrochage citoyen exprimé par le Hirak.

Cette transition par le haut est constatée par les pratiques des autorités avant et après les présidentielles du 12/12/2019. D’abord cela avait commencé par la reconduction du mandat de Monsieur Bensalah contrairement à l’article 102,qui officiellement ne lui donne que 90 jours d’intérim, ensuite vient la mise en place d’un panel choisi,qui a engagé un semblant de dialogue sans réussir un consensus,

En plus, ce même panel élabore et propose une loi mettant en place une autorité électorale, contrairement aux procédures règlementaires qui veulent que seul le gouvernement ou le parlement ont le droit de proposer des lois et textes réglementaires.

Et on a continué dans le même mode de transition par le haut en élaborant une constitution sans débat préalable par les principaux acteurs indiqués pour la transition par le bas.

En somme ,  ce sont  toutes ces pratiques qui ont provoqué la continuité du mouvement populaire pacifique du Hirak qui dure voilà maintenant plus de deux ans, et ont provoqué une crise de confiance qui a engendré un absentéisme de 77% au niveau des deux échéances capitales en l’occurrence, le referendum sur la constitution du01/11/2020, et les dernières législatives du 12/06/2021.

La situation étant ainsi, à laquelle viennent s’ajouter de grandes difficultés économiques engendrées par le coronavirus, quel sera le plan de sortie de crise du nouveau gouvernement qui sera bientôt mis en place ?

En effet, dans sa dernière présentation de la situation en Algérie publiée le 21juin 2021, la banque mondiale estime que la pandémie de COVID-19 a mis à mal l’économie algérienne en 2020. La croissance réelle du PIB devrait, selon les estimations, de cet organisme international avoir diminué de 5,5 % par suite des strictes mesures de confinement imposées pour limiter la propagation de la COVID-19 et de la chute de la production d’hydrocarbures, la production algérienne de pétrole étant tombée en dessous du quota fixé par l’OPEP pour le pays.

La banque mondiale constate par ailleurs, que les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre comme les services et le bâtiment qui opèrent pour l’essentiel dans le cadre de l’économie informelle ont été durement touchés, et de nombreux emplois ont disparu de manière provisoire ou permanente.

Toujours selon la banque mondiale, le déficit budgétaire global devrait, s’être accru pour atteindre 16,4 % du PIB en 2020, tandis que les risques liés aux financements accordés par les banques publiques à des entreprises d’État en difficulté ont considérablement augmenté.

La banque mondiale conclut enfin dans sa dernière livraison sur la situation de l’Algérie, que malgré la forte contraction des importations et la dépréciation modérée du taux de change, le déficit du compte des transactions courantes aurait atteint 14,4 % du PIB, tandis que les réserves internationales seraient tombées à 46,9 milliards de dollars à la fin de 2020 (ce qui représente une diminution de 24 % en glissement annuel), soit l’équivalent d’environ 12,8 mois d’importation.

La pauvreté devrait avoir augmenté en 2020 en raison du ralentissement de la croissance et de la baisse de l’emploi, bien qu’aucune donnée ne soit disponible dans ce domaine affirme cette organisation.

Malgré cette situation de double crise politique et économique, nous affirmons avec certitude que l’Algérie a des chances de s’en sortir si elle instaure une vraie démocratie et prend comme exemple le “New Deal” (ou “Nouvelle donne”) qui est le nom donné à la politique mise en place dans les années 1930 aux Etats-Unis pour faire face à la crise économique mondiale de 1929.

Cette politique a été mise en place par le président américain Franklin Delano Roosevelt entre 1933 et 1938.Si les Etas unis ont réussi à s’en sortir d’une crise mondiale égale à celle que nous vivons aujourd’hui c’est grâce à sa démocratie.

Il est connu que les deux conditions essentielles d’une démocratie c’est lorsqu’ un gouvernement dispose d’un pouvoir souverain pour générer de nouvelles politiques publiques, et c’est quand les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires n’ont pas à partager le pouvoir avec d’autres corps de droit.C’est ce que devrait être une nouvelle Algérie libre et indépendante principale revendication du Hirak.

Comment arriver à assurer ces deux conditions?

Pour répondre à cette question, Linz et Stepan ont bien identifié les cinq parties qui doivent nécessairement participer à mettre en œuvre une transition par le bas menant vers une démocratie.

La première concernée est la société politique.La seconde est la société civile.La troisième est le concept de l’État de droit.La quatrième est l’État lui-même. Et enfin la cinquième est la société économique.

Il est de ce fait, impératif de faire en sorte que les parties indiquées plus haut s’organisent au plus vite pour tenir une conférence nationale.L’objectif consiste en particulier à renforcer la capacité de ces parties, afin de jouer un rôle positif et constructif pendant la transition et au-delà.

Cette conférence s’inscrit dans la trajectoire de l’objectif spécifique à court terme à savoir, renforcer efficacement le dialogue, en augmentant les chances d’une transition qui soit aussi bien inclusive que crédible.

Pour réussir cette conférence il faut s’engager sur les principes suivants :

1/ L’engagement de chaque partie de privilégier l’intérêt supérieur du pays et une disposition à faire des concessions en vue d’un consensus profitable à tous.

2/ Privilégier les négociations sur le fond au lieu de maintenir des positions figées émises dès le départ.

3/ La bonne foi à travers le respect de la parole donnée et l’honnêteté.  Cette bonne foi évite la remise en cause des concessions faites auparavant.

4/ Faire en sorte que le consensus se concrétise par un cadre juridique pour assurer le suivi des décisions adoptées.

Afin de baliser et encadrer cette conférence, nous proposons de répondre aux questions essentielles suivantes :

Quelles sont les conditions et les garanties nécessaires pour une bonne négociation pouvant conduire à un consensus durable en Algérie ?

Comment créer ces conditions et ces garanties ?

Dans quelles conditions un processus constitutionnel a-t-il les chances d’aboutir et de permettre la solution d’une crise politique ?

Comment impliquer équitablement les partis politiques sous-représentés dans le processus de transition démocratique ?

Comment impliquer la société civiles dans le processus de transition démocratique ?

Comment impliquer la société économique dans le processus de transition démocratique ?

Comment mettre en place un code de bonne conduite qui vise à créer une culture de l’éthique politique dans notre pays ?

Si le pouvoir veut regagner la confiance de la majorité du peuple, et si le nouveau gouvernement veut surmonter la crise économique, cette manière d’agir est à mon avis le seul chemin prouvé scientifiquement,menant vers une démocratie susceptible de favoriser la croissance économique grâce au système redistributif.

A bon entendeur…

Docteur Rafik Alloui

 

 

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