Choisi pour vous: Le bilan d’Obama n’est pas ce qu’on nous dit…

Dans cet article choisi par Malika Oubraham, le journal Investig’Action sous la signature de Michel Collon montre le souci premier de la présidence américaine que ce soit Obama ou un autre: la domination et la puissance de l’argent avant tout…

 

 

le bilan d’Obama n’est pas ce qu’on nous dit En 2016, à l’occasion de la première victoire de Donald Trump, Investig’Action publiait le livre « Le monde selon Trump ».

Dans cet ouvrage, les auteurs décortiquaient le phénomène Trump afin d’en saisir la portée. Trump représente-il une rupture pour l’establishment US ? Quelle est sa stratégie économique ? Et celle militaire ?

Des questions toujours d’actualité, essentielles car apportent les clés de lecture nécessaire pour comprendre où vont les USA avec Trump. Deuxième extrait du livre « Le monde selon Trump ».

 

Aux yeux de la gauche européenne, dans sa grande majorité, Obama a été un bon président. Et on pleure la défaite d’Hillary Clinton.

 

Mais ces gens se sont-ils mis à la place de ceux qui ont subi pendant huit années la politique de cette équipe démocrate ?

En fait, l’administration Obama a poursuivi toutes les politiques dévastatrices du néolibéralisme : cadeaux aux banques et aux riches, traités de libre échange comme le TTIP, délocalisations et exploitation de l’immigration pour abaisser les salaires.

Et les conséquences sont sous nos yeux. Entre 1980 et 2014, l’écart riches – pauvres n’a fait que croître, comme le prouve la monumentale enquête de l’économiste Thomas Piketty sur l’évolution des revenus aux Etats-Unis et en Europe. Cette enquête nous apprend que, durant cette période, 50% de la population US (la partie la plus pauvre) a perdu, 5% de ses revenus nets après impôts. Où ont-ils filés ? Dans la poche des plus riches : le fameux 1%.

 

En conséquence, durant la seule année 2014, le transfert global Pauvres > Riches s’est élevé à 573 milliards de dollars. Ça veut dire que chacun des 117 millions de contribuables a perdu cinq mille dollars en moyenne : l’équivalent de trois mois de salaire SMIC en France. L’aggravation de l’inégalité est impressionnante. Alors qu’en 1980, ce 1% gagnait vingt-six fois plus que les 50%, en 2014, il gagne quarante-sept fois plus !

 

Et d’où proviennent ces gains généreux ? L’enquête Piketty nous le révèle aussi : c’est grâce à la hausse des actions boursières. Grâce à ce que le Capital encaisse sur le Travail. Bref, que ce soit avec les Reagan et les Bush, ou que ce soit avec les Clinton et Obama, aucune différence, le portefeuille des travailleurs US a perdu tout autant.

 

Puisqu’Obama n’a rien changé au néolibéralisme, il faudra bien à cette gauche européenne si enthousiaste envers le parti démocrate US, poser la question : mais pourquoi ces travailleurs auraient-ils dû voter pour ceux qui les avaient tant appauvris ? Comment leur reprocher de chercher autre chose ?

 

Coupés des réalités du peuple

Ces chiffres brutaux n’ont pas empêché l’establishment du parti démocrate de ressasser constamment son petit couplet sur « la reprise économique ». Les médias faisant écho sans poser de questions critiques, puisque leurs conseils d’administration sont aux mains des mêmes gros actionnaires que ceux des grosses entreprises transnationales. Et vous ne comprenez pas que ces gens ont compris qu’on se moquait d’eux ?

 

C’est donc Obama qui a produit Trump. En ne tenant aucunement ses belles promesses d’améliorer le sort quotidien de ses électeurs, il les a poussés dans les bras de Trump. Et ce n’est pas en traitant cet électorat de « minables » (« deplorables » en anglais) qu’Hillary Clinton les aura fait revenir vers la soi-disant « gauche » démocrate !

 

Cet aveuglement des dirigeants démocrates a des racines. Dans le portefeuille. Chacun des époux Obama touchera… soixante millions de dollars pour écrire ses mémoires à l’eau-de-rose. Les époux Clinton se font payer deux cent mille dollars pour donner une simple conférence d’une heure ! Par des firmes comme Goldman Sachs. Sans doute une bonne manière d’assurer de vieux jours luxueux. Mais certainement pas une bonne manière de se mettre à la place des simples gens victimes de Goldman Sachs et consorts.

 

L’establishment du parti démocrate est tellement coupé des réalités du peuple, relève l’auteure canadienne Naomi Klein qu’il « n’a pas jugé important de mener campagne autour d’améliorations concrètes de la vie des gens. Ils n’avaient pour ainsi dire rien à offrir aux gens dont la vie a été ruinée par les attaques néolibérales.

Ils ont pensé qu’ils pouvaient surfer sur la peur de Trump, et cela n’a pas marché. » Ces électeurs déçus auraient bien voté pour Bernie Sanders qui avait, lui, un programme social. Mais l’establishment démocrate a saboté cette candidature afin de conserver ses privilèges et ses bonnes relations avec le monde capitaliste.

 

Voilà pour le bilan économique de la présidence Obama. Et quant à la politique internationale, voyons à présent pour quelle raison les électeurs US auraient dû voter Clinton…

 

Hillary, fan des Murs

Pour son attitude plus sympa envers les immigrés latinos ? On a raison de critiquer Trump pour ce projet raciste. Mais il faut quand même rappeler que ce Mur a été commencé par le « gentil » Bill Clinton, continué sous George Bush et sous Barack Obama. Avec le ferme soutien d’Hillary Clinton, qui s’en vantait encore en novembre 2016 : « J’ai voté de nombreuses fois lorsque j’étais sénateur pour dépenser de l’argent afin de construire une barrière visant à empêcher les immigrés illégaux de rentrer ».

Dans un débat, on lui a demandé ce qui distinguait son mur de celui de Trump. Réponse : « Tel que je le comprends, il parle d’un mur très haut ».

 

En réalité Hillary est une fan des Murs. Elle n’a cessé de vanter celui construit par Israël pour rendre la vie impossible aux Palestiniens et annexer leurs terres. Elle a d’ailleurs suggéré d’utiliser le modèle israélien pour la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.

 

Aurait-il fallu voter Clinton pour son respect de la démocratie dans les pays latinos ? En réalité, elle a suivi l’exemple de Kissinger. Celui-ci avait organisé avec la CIA l’infâme coup d’Etat au Chili en 1973 et il avait soutenu les pires dictatures militaires en Amérique latine. Au Honduras, Hillary Clinton a soutenu le coup d’Etat qui a chassé, en 2009, le Président démocratiquement élu Manuel Zelaya.

Elle l’a reconnu dans ses Mémoires [1]. Par sa faute, le Honduras a été plongé dans une violence record, et des milliers d’enfants et de pauvres ont dû s’enfuir et chercher refuge aux Etats-Unis. Impitoyable, Clinton a soutenu la déportation de dizaines de milliers d’enfants réfugiés d’Amérique centrale. Selon elle, il fallait envoyer à leurs parents « un message : ce n’est pas parce que votre enfant est arrivé de l’autre côté de la frontière que cela signifie qu’il doit rester ici ».Or, près d’un tiers de ces enfants provenaient du Honduras et fuyaient les violences déclenchées par la faute de… Clinton.

 

D’ailleurs, Berta Caceres, célèbre militante pour l’écologie et pour les droits des Indiens, a accusé clairement Clinton : « Elle a reconnu avoir empêché le retour du président Zelaya dans son pays. » Le 3 mars 2016, Berta Caceres était assassinée par un escadron de la mort hondurien, formé aux Etats-Unis.

 

Aurait-il fallu voter Clinton pour aider les Palestiniens à obtenir enfin leurs droits ? Pas du tout. Durant la campagne électorale, Trump a évoqué un moment la possibilité d’une politique de neutralité dans les négociations de paix entre Israël et les Palestiniens ; Clinton a réagi en défendant la ligne la plus dure contre les Palestiniens : « L’Amérique ne peut jamais être neutre […] Quiconque ne comprend pas cela n’a rien à faire à être président de l’Amérique ».

 

Le 13 décembre 2012, Hillary Clinton envoyait un mail, que Wikileaks a révélé, où elle écrivait très clairement : « La meilleure façon d’aider Israël est d’aider le peuple syrien à renverser le régime de Bachar Al-Assad. Mettre sa vie et celle de sa famille en danger, c’est seulement l’usage de la force qui fera changer d’avis le dictateur syrien »[2]. Ainsi, pour protéger le dernier pays colonialiste du monde, un état raciste d’apartheid et de nettoyage ethnique, cette femme a décidé de plonger le peuple syrien en enfer : 250.000 victimes !

 

Aurait-il fallu voter Clinton pour son soutien à la cause des femmes ?

En paroles peut-être, mais dans la pratique, n’est-ce pas elle qui a renvoyé les femmes libyennes à l’âge de pierre en détruisant leur pays et en les soumettant aux milices d’Al-Qaida ?

N’est-ce pas elle qui a reconnu (dans un mail de 2012, fuité par Wikileaks) être au courant que l’Arabie saoudite et le Qatar finançaient les réseaux terroristes en Syrie ?

Donc avec la complicité de ces dirigeants US !

Et en quoi les femmes des classes populaires des USA sont elles concrètement défendues par le féminisme de la grande bourgeoisie des beaux quartiers ? Elles qui peuplent de plus en plus massivement les prisons, les sex hotels et les ghettos d’Amérique. L’injustice sociale frappe en premier lieu les femmes.

 

Et fan de la 3ème Guerre mondiale ?

L’Etat islamique n’existait pas lorsqu’Obama a pris ses fonctions et a nommé Hillary Clinton au Département d’Etat. C’est leur opération de « Regime change » qui a fourni les armes et le soutien logistique aux forces terroristes islamistes dans l’est de la Libye.

Après ce brillant succès libyen, le même duo a exporté les mêmes terroristes vers la Syrie. Avec les mêmes résultats.

Ils ont donc provoqué l’avènement de Daech, plus « performant » qu’Al-Qaida. On dira peut-être que les Etats-Unis ont fini par bombarder les forces de Daech en Syrie et en Irak. Soyons clairs : ce ne sont pas les Etats-Unis qui ont rejeté Daech, c’est Daech qui les a rejetés pour suivre son propre agenda. En outre, les bombardements US ont été très longtemps fort symboliques.

Le nouveau calcul cynique de Washington était : évitons de tuer trop de combattants de Daesh, il faut qu’il en reste assez pour rejoindre les « bons groupes terroristes » en Syrie afin de renverser Bachar al-Assad. Ce n’est qu’après l’intervention russe en Syrie en septembre dernier que Washington a effectué des raids aériens un peu plus sérieux contre Daesh. Comme par hasard, les Etats-Unis interviennent sur les bords de l’Euphrate, à l’endroit où certains prévoient à Washington de créer un « Sunnistan » de type « saoudite modéré ». Comme par hasard, c’est là que passerait un gazoduc reliant le Qatar à la Turquie et à l’Europe occidentale pour concurrencer le gaz russe ou iranien. Ce qui permettrait aussi de bloquer l’intégration transfrontalière Liban-Syrie-Irak-Iran.

Ce projet, la Syrie l’avait refusé peu avant les événements de 2011, en même temps qu’elle refusait l’idée d’un gazoduc Israël – Turquie passant par son propre territoire.

D’où sa condamnation à mort par les stratèges de Washington.

 

Bref, quand Trump déclare : « Obama et Clinton ont été les joueurs les plus précieux » de Daech, on se demande pourquoi les médias n’en parlent pas. Car Trump n’est pas seul à le dire. Le DIA, service de renseignement de l’armée US, disait la même chose dès 2012 dans un rapport déclassifié trois années plus tard : « Les pays occidentaux, du Golfe et la Turquie soutiennent l’opposition syrienne… Il existe la possibilité d’établir une principauté salafiste, déclarée ou non, dans l’est de la Syrie (…) et c’est exactement ce que souhaitent ces puissances dans le but d’isoler le régime syrien. »

 

Vous avez bien lu : le Califat préparé par Daech était dès le départ une option des USA et de leurs alliés pour affaiblir Bachar al-Assad..

« Nous fabriquons le Califat terroriste »

Bien entendu, le DIA s’inquiétait : « La détérioration de la situation a des conséquences désastreuses en Irak. (…) Une situation idéale est créée pour AQI [Al-Qaïda en Irak, devenu Daesh] (…) ISIS pourrait également déclarer un Etat islamique en s’unissant à d’autres organisations terroristes en Irak et en Syrie, ce qui créera un grave danger pour l’unité de l’Irak et la protection de son territoire ». Malgré cet avertissement lucide, Obama, Clinton et Kerry l’ont quand même fait. Cette utilisation cynique du terrorisme les rend directement responsables du coup de boomerang survenu avec les attentats commis à Paris, Bruxelles et ailleurs. Mais ceci est tabou dans les médias.

 

Pacifiste, Hillary ?

En 2008, lorsqu’elle a été chargée par Obama de la politique internationale, quelle a été la réaction de Richard Perle, un des principaux artisans de la guerre contre l’Irak, derrière George Bush ? « Je suis assez content [.] Il n’y aura pas autant de changement que ce que nous avions cru au départ. ». Le vice-président de Bush, Dick Cheney, s’est lui aussi déclaré « impressionné » par le bilan du travail de Clinton au Département d’État. Bref les pires va-t-en-guerre des USA étaient satisfaits de Clinton.

 

Or, cet énorme budget militaire énorme des Etats-Unis, dépensé pour tuer et procurer des bénéfices faramineux aux gros actionnaires, où l’a-t-on pris ? Dans le social. L’argent des missiles, c’est de l’argent pris aux écoles. L’argent des porte-avions, c’est de l’argent pris aux hôpitaux. L’argent des camps, milices privées et prisons de la CIA, c’est de l’argent pris aux infrastructures.

Le bilan d’Obama – Clinton – Kerry est complètement antisocial. La gauche d’ici ne voit pas ça ?

 

Evidemment, on n’est pas certain qu’en étant « informés » comme ils l’ont été par leurs médias, les électeurs US pouvaient alors être au courant de tous ces exploits de leurs dirigeants.

Par contre, une chose a dû les frapper : ces guerres coûtaient les yeux de la tête alors qu’eux avaient de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Alors, quand les opérations en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie tournent au fiasco, quand ils constatent le manque d’investissements dans les infrastructures et dans le social aux Etats-Unis, il est fatal qu’à un moment ou l’autre, les électeurs fassent le lien et rejettent cette politique guerrière. Ce n’est pas Trump qui a inventé « l’isolationnisme », c’est une fraction croissante de l’électorat US qui ne veut plus de ces guerres.

 

Pour conclure sur ce point, le bilan de la présidence Obama n’est absolument pas positif. Cette présidence a aggravé les inégalités, poursuivi la politique de guerre, ignoré les souffrances de la population travailleuse et c’est ainsi qu’elle a créé les conditions favorables pour Trump.

Seuls des médias occulteurs peuvent présenter Obama comme un président « positif ».

Il est urgent d’ouvrir enfin les vrais débats : qui appauvrit les 99% ?

Qui agresse des nations sous des prétextes trompeurs ?

Qui fait le lit du terrorisme, et même l’utilise avec cynisme ?

 

In Investig’Action

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page
Fermer