Ces arrestations qui coupent les têtes

Le mouvement populaire qui tente de se redonner la substance forte qui prévalait au tout début de sa naissance , fait l’objet ces dernières semaines d’une véritable campagne de dévitalisation .
Les militants les plus actifs et ceux qui comptent parmi les opposants au système s’affichant à chaque sortie populaire comme des éléments clés de cette contestation, gagnant autour de leurs discours la sympathie non dissimulée des manifestants, semblent désormais figurer au registre des cibles choisies.
Après l’arrestation des anonymes pour divers motifs liés à leur activisme au sein du hirak, ces derniers temps , ce sont des noms connus qui font le menu des arrestations et des incarcérations.
Après « l’élimination » de Karim Tabbou, opposant politique aux discours aussi éloquents que mobilisateurs axés essentiellement sur la quête légitime d’une démocratisation de la vie politique du pays , on enregistre ce lundi l’arrestation de l’autre activiste Samir Belaribi.
Cela doit sûrement rappeler l’existence d’un plan qui consiste à couper les têtes du mouvement populaire et à en étouffer les porteurs de révolte qui ont une certaine popularité et qui jouissent d’un potentiel de persuation et de sensibilisation des masses jugé assez risqué par les tenants du pouvoir.
Dans sa détermination avancée et plusieurs fois réaffirmée à aller vers des présidentielles arrêtées pour le 12 décembre, l’institution militaire avait solennellement déclaré par la voix de son chef d’État major que » rien ni personne ne pourraient arrêter l’Algérie d’avancer dans cette direction » .
Auparavant, le général Gaid Salah avait considéré certaines prises de positions politiques hostiles au scrutin et appelant à une transition, comme étant des tentatives de déstabilisation du pays émanant de » minorités » qui , ajoutait il , répondaient à un agenda étranger.
Et de déclarer sur la lancée , l’existence de preuves irréfutables contre ces personnes soupçonnées d’obéir à ces desseins obscurs visant selon le général à mener le pays vers la catastrophe .
Ces preuves que l’institution militaire s’engageait à montrer aux populations n’ont toujours pas été rendues publiques alors que les militants soupçonnés ont bel et bien été incarcérés sous des chefs d’inculpation inédits : atteinte au moral des troupes.
Ce qui semble ainsi suggérer que l’opposition politique dans un libre espace se devait préalablement de remplir un cahier des charges. En d’autres termes , gagner son ticket d’opposant « agréé » !
Le pouvoir algérien qui a réussi à accélérer la cadence et la mise en place des outils juridiques, humains et techniques pour le scrutin de décembre ne veut point s’accommoder d’une quelconque résistance. Et il tient à le faire savoir .
En hauts lieux , dans la précipitation, on estime et on tente de convaincre que les revendications populaires ont été satisfaites dans leur majorité. Les réformes tant réclamées pour le fond des textes constitutionnel relèveraient des prérogatives du président « élu » .
Or , si le dialogue marathon de la commission de Karim younes n’a pas pu réunir l’enthousiasme des manifestants et des personnalités politiques , comment s’attendre à produire un effet positif de ce qui découle de ses résolutions?
Piégé dans son entêtement à multiplier les slogans et sa persistance à refuser de s’organiser pour passer inéluctablement à la table d’un dialogue qui aurait pu être objectif dès le début de la contestation, le hirak se retrouve en difficulté . Pris de vitesse.
Même si le nombre de manifestants a repris des couleurs ces dernières semaines , il reste otage de sa désorganisation, absence de toute structuration qui pourrait lui être chère.
À cela , s’ajoute cette campagne d’arrestations et d’intimidations qui ne devrait pas s’arrêter aux Karim Tabbou ou Samir Belaribi.
Il y a une « logique » dans ce mode opératoire qui laisse entrevoir une lecture inquiétante.
Et pourtant, l’option d’une élection présidentielle à bonne date est en train d’avancer à grands pas . Propres et transparentes, ou sales et truquées, elles auront lieu.
Il y a risque d’exacerbation de la protestation populaire qui ne semble pas pour autant inquiéter les tenants du pouvoir.
L’atmosphère n’est aucunement rassurante et n’augure aucun signe d’apaisement à même d’entrevoir une solution réelle .
Celle suggérée pour l’instant comporte tous les ingrédients d’une fausse solution , en ce qu’ elle mobilise comme acteurs puisés de l’ancien système et tant décriés par la rue .
ABN