Abdelwahab Kerrar PDG de Biopharm : «D’ci 2024, le pays sera à l’abri de l’importation des produits oncologiques »

Dans cet entretien qu’il a accordé à ABN News Algérie, en marge du sixième congrès national de la fédération algérienne de pharmacie, Abdelouaheb Kerrar président de l’Union nationale des opérateurs de la Pharmacie ( UNOP) et PDG de Biopharm décrypte l’évolution du secteur de l’industrie pharmaceutique en Algérie et les failles de notre système de dépense en matière de santé publique.
Présent dans les différents métiers de l’industrie pharmaceutique, le groupe Biopharm a réalisé durant le premier semestre 2022 un chiffre d’affaires consolidé de 41,4 milliards de dinars.
Et ce , grâce à un investissement ambitieux constitué d’une ligne de production à Oued Semmar en mesure de mettre sur le marché jusqu’à 50 millions d’unités annuellement à travers ses neufs lignes de production, pour les formes sèches, liquides et pâteuses.
ABNews: Quelle est votre évaluation du secteur de l’industrie pharmaceutique en Algérie ?
Kerrar: L’industrie pharmaceutique a fait des pas de géants en créant des milliers d’emploi set en parvenant à satisfaire 70% des nos besoins en médicaments. Il y a énormément de produits fabriqués localement. Le meilleur atout, c’est la savoir faire. Nous avons des jeunes qui savent développer un produit, le fabriquer, le contrôler et effectuer la compilation d’un dossier réglementaire. Ce n’était pas le cas, il y a une vingtaine d’années. Saidal uniquement le pouvait. Pour maintenir cette dynamique et même aller au-delà, il faudrait que l’Agence nationale de médicament encadre cette industrie et s’étoffe en consentant davantage d’investissements sur le double plan humain et matériel qui permettront à cette agence d’avoir la maturité quatre. Pour l’instant, seuls deux pays africains ont cette distinction, à savoir l’Egypte et le Nigéria. C’est une bonne chose pour l’image du produit algérien quand il va s’exporter. C’est important d’avoir une agence rigoureuse pourvue de certaines distinctions et qui pourrait à son tour faire la promotion du produit algérien.
ABNews: Il y a déjà une certaine dynamique d’export vers l’Afrique ?
Kerrar: Effectivement et nous avons la possibilité d’aller aussi ailleurs.
ABNews : Investit-on aujourd’hui assez dans les thérapies à coût élevé ?
Kerrar : Nous avons accusé un retard dans tout ce qui est segment biotechnologie, pourtant c’est à notre portée. Je pense que dans les prochaines années nous allons nous y atteler justement avec le concours de joints ventures, à commencer par la localisation de certains produits de biotechnologie.
ABNews : Qu’en est-t-il de Biopharm ?
Kerrar: Biopharm n’a pas encore investi dans des projets de biotechnologie, mais nous sommes entrain d’y réfléchir. Nous pensons à l’intégration verticale et à la fabrication de la matière première. La contrainte est que la consommation algérienne n’est pas suffisamment importante pour amortir de tels projets. Il faudrait le faire pour plusieurs pays et non seulement pour l’Algérie.
En attendant, Biopharm a sa gamme de produits. Nous avons deux laboratoires de recherche et de développement et des équipes motivées qui permettent le développement d’une quarantaine de nouveaux produits chaque année. Et évidemment des accords internationaux qui nous permettent de nous frotter aux plus grands dans le domaine et de générer une croissance.
Biopharm est devenu aujourd’hui un grand laboratoire pharmaceutique qui dispose de nombreuses lignes de production aux normes internationales et un réseau de distribution aux grossistes et aux pharmacies. Biopharm a commencé à développer et à fabriquer des formes sèches d’oncologie. C’est un investissement assez important et nous allons fabriquer des formes injectables d’oncologie, à partir de juillet 2023 .
D’ici 2024 je pense que le pays sera à l’abri, de l’importation de tous ces produits avec une disponibilité permanente et une réduction de la facture d’importation. Nous avons aussi un projet de fabrication en full process des formes sèches d’hormones qui verra le jour fin 2023 et un autre de fabrication de produits de contraste pour les scan qui générera une réelle économie d’argent pour les caisses de sécurité sociale dans le cadre du suivi des patients.
ABNews: Quelles sont les failles du financement des dépenses de santé publique ?
Kerrar : L’Algérie consacre des budgets colossaux en matière de la santé. Il faut reconnaitre, toutefois, qu’il existe aujourd’hui un déséquilibre entre l’effort budgétaire consentie pour la santé des citoyens et le service qui est rendu.
C’est la gouvernance de ce budget qu’il faut affiner. Il serait intéressant de réaliser une enquête de satisfaction, d’aller demander aux algériens à leur sortie des urgences ou tout simplement, à l’issue d’une hospitalisation , leur avis afin de diagnostiquer les failles et de trouver le meilleur moyen de s’améliorer.
Le point fort de notre système de santé est la gratuité des soins. Avec tous les aléas, quelqu’un qui souffre d’un goitre ou d’une lithiase peut se faire opérer gratuitement. Ailleurs si vous n’avez pas un portefeuille bien garni, vous n’avez pas accès aux soins. Seulement le service rendu par ces soins n’est pas à la hauteur du budget mobilisé.
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